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  • Le respect, condition de la liberté, de l'égalité et de la fraternité

    Il y a peu, nous parlions ici du couple star des Français, la liberté et l’égalité en expliquant que ces deux valeurs se trouvaient plus ou moins à égalité dans leurs cœurs. Ainsi, 52 % des personnes interrogées par le Cevipof dans son baromètre plaçaient l’égalité avant la liberté et 48 % mettaient cette dernière avant l’égalité. La nouvelle vague du baromètre du Cevipof inverse les résultats puisque les Français placent maintenant la liberté en premier pour 52 % d’entre eux et 47 % choisissent l’égalité (1 % ne se prononçant pas…).

    Ces résultats sont complétés par un sondage effectué par la Sofres pour Télérama. Ici, les trois valeurs de la devise de la France sont pris en compte : liberté, égalité, fraternité. Le choix des Français est plus radical encore puisque 52 % des Français estiment que la liberté est la plus importante du trio, 30 % que c’est l’égalité et 16 % la fraternité. Cependant ils pensent qu’aujourd’hui le terme le plus menacé est l’égalité (80 %) devant la fraternité (69 %) et la liberté (59 %). Et c’est pourquoi ils demandent à 55 % qu’une politique plus égalitaire soit mise en place contre seulement 38 % une politique plus axée sur la liberté.

    Quand on rentre dans les détails de ce très intéressant sondage, on apprend que s’il fallait rajouter un quatrième terme à la devise nationale, les Français choisiraient majoritairement le respect. En outre, quand on parle de liberté, c’est avant tout la liberté d’expression qui est importante (66 %) devant la liberté d’aller (17 %) et venir puis, loin derrière, la liberté d’entreprise (6 %), la liberté de culte (4 %), la liberté syndicale (3 %) qui ferme la marche en compagnie de … la liberté sexuelle (3 %) ! Sans doute, concernant cette dernière, les Français estiment-ils, d’une part, qu’il s’agit d’une pratique privée et que, donc, cette liberté ils la prennent en dehors de la sphère publique sans oublier une sensibilité accrue ces dernières années aux affaires choquantes de viols et, surtout, de pédophilie associés sans doute à tort à cette liberté.

    Pour revenir sur le choix d’une politique égalitaire et sur le fait que selon les Français ce soit l’égalité qui soit la plus menacée dans notre pays, il n’est pas inutile de rappeler que la France est certainement un des pays les plus égalitaires du monde comme l’expliquent la plupart des spécialistes et que les émoluments de certains patrons qui choquent les Français ainsi que les « golden parachutes » qui leur permettent d’être licenciés en empochant des dizaines de millions d’euros voire des centaines sont peu de choses dans l’égalité globale et que ces pratiques sont encore plus développées dans d’autres pays dont, par ailleurs, elles choquent tout autant les populations comme celles des Etats-Unis.

    Ce que le sondage ne demande pas, malheureusement, c’est ce qu’est l’égalité pour les Français. Une égalité des chances ou une égalité des conditions, ce n’est évidement pas la même chance. On sait qu’en général c’est plutôt la première qui est citée mais on sait aussi qu’il y a une très forte tendance en France à vouloir niveler les niveaux des revenus et de promouvoir une égalité synonyme d’uniformisation et, in fine, de système liberticide voire totalitaire tant la différence est le fondement de la liberté.

    La question qui se dégage de toutes ces données c’est, évidemment, comment concilier une envie de liberté et une demande d’égalité couplée avec celle d’une solidarité. Cette question est centrale dans la réconciliation des Français avec eux-mêmes et la société française. Celle-ci a été au cœur de la campagne présidentielle dont le premier tour vient de s’achever.

    La réponse se trouve en grande partie dans le quatrième terme que les Français ajouteraient volontiers à la devise nationale : le respect. Ce dernier concept est fondamental pour créer un lien social fort qui puisse être le terreau de la liberté, de l’égalité et de la fraternité et, surtout, de leur interpénétration. Mais il faut s’entendre sur le respect qui est un terme à la mode et qui, souvent, n’est qu’une simple revendication individualiste et hédoniste. Partout les gens ont le mot respect à la bouche. Demander à ce que l’on soit respecté est légitime. Demander à ce que tous ses désirs le soient, c’est entrer en conflit avec les désirs des autres et, plus grave, avec l’autre tout court. Ce respect là est irrespectueux…

    Le vrai respect est celui qui prend en compte la réalité de la vie en société. Nous devons vivre avec les autres, plus, nous en avons besoin. Dans ce cadre, nous devons être capables d’appréhender notre liberté par rapport à l’égalité et à la solidarité. Car le respect de l’autre commence d’abord dans celui de sa liberté et dans la tolérance à ce qu’il est. Un respect bien évidemment symétrique pour qu’il soit accepté et acceptable. Une fois ce respect accordé, celui de l’être dans sa globalité demande qu’on lui accorde l’égalité des chances et qu’une solidarité effective existe dans une société qui ne peut être équilibrée que si elle prend en compte la diversité de ses membres et qu’elle vient en aide à ceux qui en ont besoin à un moment donné de leur existence.

    De ce point de vue, le respect n’est pas seulement une revendication égoïste mais bien l’élément central qui permet de rendre effectif la liberté, l’égalité et la fraternité. Respecter ne veut pas dire aimer ni même apprécier l’autre mais seulement le reconnaître dans sa dimension humaine et donc lui accorder ce à quoi l’on estime soi-même être en droit de réclamer à cet autre.

    Une France réconciliée, ce sont des Français respectueux les uns des autres, une France où le respect est le fondement du lien social et non une France où la revendication à « ses » droits fait office de citoyenneté.


    Alexandre Vatimbella