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L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Populisme, extrémisme et terrorisme auront-ils la peau de la démocratie?

Deux guerres mondiales n’ont pas réussi à tuer la démocratie, au contraire.

Après le deuxième conflit, en 1945, la démocratie semblait même l’avoir emporté aux poings sur les totalitarismes criminels avec l’écrasement du nazisme, du fascisme et de l’expansionnisme nationaliste, militariste et raciste japonais ainsi que de tous les régimes autoritaires et dictatoriaux qui étaient leurs complices (à l’exception notoire de l’Espagne) puis, en 1989, par K.O. définitif après la chute du totalitarisme communisme en Union soviétique et de ses régimes satellitaires ainsi que de l’ouverture qui semblait alors inexorable de la Chine aux droits de l’humain malgré l’épisode de la place Tienanmen qui ressemblait plus à un soubresaut d’un régime moribond (ce qui s’avéra, malheureusement, une analyse totalement erronée).

En outre, il semblait que cette même démocratie – grâce à l’aide des progrès scientifiques et sociétaux du XIX° siècle et de la première partie du XX° siècle qu’elle avait aidés à s’exprimer – avait eu la peau des fanatismes religieux et de leurs instincts de mort et de destruction au profit d’une vision humaniste de l’existence (et de la religion).

Or, voici qu’un mélange indigeste de populisme, d’extrémisme et de terrorisme soit capable, sinon d’y parvenir, d’être un challenge aussi puissant que furent le fascisme, le nazisme, le communisme et la réaction fondamentaliste confessionnelle pour les démocraties républicaines.

Comment cela est-il possible?

D’abord parce que le monde est tel qu’il est.

Dans nos démocraties contemporaines, portées par le souvenir, le «plus jamais ça», la reconstruction et la croissance, la modernité et le progrès, nous avons cru que la page de l’obscurantisme, du fanatisme, du totalitarisme et des massacres était définitivement tournée parce que nous avions vu de nos yeux vus, leurs agissements inhumains et que notre indignation, couplée avec le souvenir, serait un vaccin qui, nous en étions persuadés, immuniserait les peuples du monde entier.

Mais ce n’est malheureusement pas ce qui s’est passé depuis les soixante-quatorze ans de la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Bien sûr, tout n’était pas parfait le 9 mai 1945 lorsque l’Allemagne nazie signa sa reddition (et le 2 septembre, lorsque ce fut le tour du Japon).

Dans les années 1950, Staline était toujours au pouvoir en Union Soviétique, Mao avait pris le pouvoir en Chine, les dictatures militaires se succédaient en Amérique Latine et la décolonisation se passait dans des bains de sang et des violations des droits de l’humain constants sans oublier la persistance de massacres religieux.

Les génocides du Cambodge et du Rwanda, les camps de concentration et de rééducation des goulags communistes sino-russes, les assassinats et tortures de tous les totalitarismes, la faim et la pauvreté en Afrique et le sous-continent indien, tout cela est bien contemporain.

Tout comme, plus récemment, les attentats du 11 septembre 2001 d’Al Qaeda et les tueries de Daesh en Syrie et en Irak avec les exterminations ethnico-religieuses des chrétiens, des yézidis et des chiites.

Et cette liste est loin d’être exhaustive…

Cependant, alors même que la régression humaniste n’avait pas cessé, la progression humaniste se poursuivait.

Non, il ne s’agit pas d’une erreur typographique: dans ce monde, le paradoxe est une réalité avec laquelle nous devons composer.

Alors même que les pires événements se produisaient, nous étions capables de créer les Nations unies et l’Union européenne, de voter une Déclarations universelle des droits humains et de signer une Convention internationale des droits de l’enfant, d’offrir un avenir meilleur à beaucoup de gens, sans parler des découvertes scientifiques, médicales et technologiques extraordinaires qui nous faisaient miroiter des lendemains qui chantent et prouvaient le génie humain.

C’est ce qui permet aux humanistes de garder un petit espoir que leur lucidité leur enjoint chaque jour de mettre au rebus!

Oui, l’humain est capable du pire comme du meilleur.

Loin de moi de vouloir tout réduire à un manichéisme entre le bien et le mal mais la réalité est là.

Il s’agit plutôt comme je l’ai écrit, d’une confrontation entre deux énergies, celle de la révolte (du monde tel qu’il est, de son ajustice et du mystère angoissant de la vie) qui se transforme très souvent en violence destructrice et celle de l’amour (de soi, de l’autre et de la vie) qui ne cesse de vouloir rassembler, deux énergies qui s’opposent alors qu’elles devraient être complémentaires, que l’agressivité de la première devrait toujours être au service de la bienveillance de la seconde parce qu’elles sont nécessaires, toutes les deux, pour bâtir un monde meilleur.

Mais, pour cela, il faudrait que les humains soient capables de savoir où ils veulent vraiment aller et qu’ils y aillent ensemble, être dans l’action réfléchie et non la réaction intempestive.

Comme l’a conceptualisé le penseur américain William James, nous devons parvenir à ce que nos «vertus sauvages» soient sublimées pour des fins sociales plutôt que pour la destruction sociale.

Albert Camus disait, que «la révolte quand elle débouche sur la destruction est illogique» et que «la logique du révolté est de vouloir servir la justice pour ne pas ajouter à l'injustice de la condition».

Toujours est-il que tout est en train de dérailler à nouveau dans un mélange de peur, de renoncement, de haine, d’envie et d’hubris où tout est entremêlé dans ce qui ressemble à un maelström inextricable de raisons et de causes, qui est en train de donner à l’extrémisme, au populisme et au terrorisme une nouvelle possibilité d’abattre la démocratie libérale.

Quand je parle de ce lien chaotique c’est pour, par exemple, expliquer ce rapport  évident entre la montée du populisme extrémiste chez les peuples des pays occidentaux et la montée du fondamentalisme religieux extrémisme au Moyen Orient et de son avatar conquérant et destructeur, le terrorisme islamique.

Mais c’est aussi la peur de ces mêmes peuples occidentaux face à une possible déferlante migratoire (pas seulement venue de pays musulmans) qui nous est prédit depuis des années par les spécialistes des mouvements humains, que ce soit en Europe mais aussi aux Etats-Unis.

C’est aussi la peur d’un monde ouvert, qui a été grandement phagocyté par ce que l’on pourrait appeler des «profiteurs» (tant au niveau économique et commercial que géostratégique et culturel) alors même que celui-ci, avec les régulations et l’organisation nécessaires, a toujours permis d’améliorer les conditions d’existence que le contraire.

Pourtant, les choix que sont en train de faire ces peuples, gardiens actuels de la démocratie républicaine libérale, en regard de ces défis réels ne sont pas les bons parce qu’ils sont un repli sur soi et un abandon des valeurs et principes démocratiques qui ne sont, pour l’instant, qu’infimes ou graduels mais dont la dynamique est bien d’aller vers des régimes autoritaires qui se transformeront, comme l’Histoire nous l’apprend, inéluctablement en régimes despotiques.

Alors, il nous faut raison démocratique garder.

Non pas pour être les dindons de la farce de cette offensive, tant intérieure qu’extérieure, d’oppresseurs qui veulent nous asservir pour leurs propres intérêts mais pour agir en nous protégeant d’elles tout en renouvelant notre serment de défendre la démocratie républicaine.

Parce que l’alternative n’est pas dans plus ou moins de démocratie mais bien dans la liberté ou l’asservissement que ce soit à une puissance extérieure ou à des forces intérieures.

Et si nous n’avons pas le caractère et le courage de protéger notre liberté, alors oui, le populisme, l’extrémisme et le terrorisme auront la peau de la démocratie.

A nouveau nous devons nous demander si nous avons envie de défendre la démocratie et il serait bon que nous le fassions, cette fois-ci avant que nous ayons permis à ses ennemis d’être au pouvoir.

 

Alexandre Vatimbella

 

 

 

 

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