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  • La nécessité de réinventer un "vivre ensemble"

    De nombreux intellectuels, philosophes, sociologues et politologues, observateurs avertis de la société française, sont inquiets, voire très inquiets. L’objet de leurs craintes : que le lent processus de délitement du lien social qui a pris racine dans le XVIII° siècle des Lumières suite à la promotion de l’individu roi, concept qui est réellement devenu hégémonique dans la deuxième partie du XX° siècle, ne parvienne bientôt à son point final, le coup de grâce ayant été donné par la rapide montée en puissance, lors de la fin du XX° siècle et du début du XXI°, des multiples revendications identitaires provenant de groupes ethniques, religieux, sociaux, etc.
    Ce mouvement que l’on observe depuis une vingtaine d’années, n’est qu’un avatar de l’individualisme roi et, en même temps, une réaction à celui-ci. Il a été à l’origine de la création de multiples groupes restreints – ce qui démontre a contrario le besoin indispensable de l’être humain d’appartenir à une communauté - où se retrouvent un certain nombre de personnes qui partagent des intérêts communs, voire des valeurs communes, et qui réclament à la société la mise en place de règles particulières en leur faveur quand ce n’est pas des changements de règles générales tout court. Exemple caricatural de cette atomisation de la collectivité générale en communautés véhiculant autant de visions autocentrées de la vie, la revendication, en Grande Bretagne, par des groupes de musulmans vivant dans des quartiers de Londres où ces derniers sont majoritaires d’une instauration de la charia, la loi islamique.
    Au-delà de cet exemple extrême mais pas isolé, ces observateurs estiment que nous sommes dans une tourmente et à la veille d’une déflagration sociale majeure. Certains demeurent optimistes quant à la capacité de la France de (re)constuire un « vivre ensemble ». D’autres, plus pessimistes, demandent que l’Etat prenne ses « responsabilités » et agisse avec la fermeté nécessaire.
    Quel est ce danger ? C’est ce que l’on a appelé le « communautarisme » assez improprement et qui est plutôt la scission de la société en d’innombrables « tribus » qui se sont constituées et qui continuent à se constituer sur des bases d’intérêts communs antinomiques les uns avec les autres et, souvent, antinomiques avec la règle générale.
    Ces chocs ne sont pas encore toujours frontaux mais ils sont voués à le devenir de plus en plus. Pour éviter qu’ils le deviennent, il nous faut absolument refonder notre « vivre ensemble » en inventant un nouveau lien social qui englobera toutes les éthiques communautaires tout en les dépassant dans une vision humaniste, c’est-à-dire de liberté et de tolérance, seule capable de respecter l’humain dans toute sa diversité. Synthétiquement, il faut réinvestir le « vivre ensemble » en assignant un cadre général contraignant à ces éthiques communautaires au-delà duquel elles ne peuvent déroger aux règles de la vie en commun.
    Concrètement, le politique peut-il réussir dans cette tâche si importante et si délicate ? Et doit-il choisir la voie du compromis ou de la fermeté ? Le consensus doit être évidemment privilégié mais il ne doit pas non plus être le seul mécanisme pour fonder ce nouvel « vivre ensemble ». Car la restructuration d’une communauté comme la France nécessite d’établir des bases fortes qui ne peuvent être que celles qui sont porteuses des valeurs de la culture française au sens large, notamment d’une culture démocratique issue largement d’une vision judéo-chrétienne modelée au cours des siècles. Ainsi, la liberté de pensée, la liberté de parole et la liberté d’agir dans le respect d’autrui ne sont pas négociables sauf à changer de système politique. L’égalité de condition et l’équité dans la reconnaissance de ceux qui entreprennent ne le sont pas non plus.
    Mais ce serait trop simple de rappeler l’intransigeance qu’une démocratie doit avoir vis-à-vis de ces principes sans s’interroger si ce n’est pas, justement, leur absence qui a créé cette montée des éthiques communautaires. Ainsi, la société doit également porter un regard critique sur ses pratiques et se remettre à l’ouvrage pour appliquer effectivement les règles non négociables de son vivre ensemble. C’est aussi dans sa fidélité à ses principes qu’une société peut demander à ses membres de les respecter. Reste qu’in fine, quelque soit le contexte et les erreurs de la société, il ne peut y avoir de « dérogations » données à certains afin de s’émanciper des règles et des principes qui constituent le ciment social. Car une civilisation qui se morcelle est une civilisation qui s’affaiblit par ses fondations avant de s’effondrer. C’est une leçon de l’histoire que connaissent d’ailleurs très bien beaucoup de ceux qui demandent ces dérogations…
    Alexandre Vatimbella