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changement

  • Barack Obama et les malentendus de son élection

    Ce qui s’est passé récemment aux Etats-Unis mériterait un livre à lui tout seul tellement les commentaires ont été nombreux et foisonnants quant aux difficultés rencontrées par le Président. Chaque expert est ainsi venu délivrer sa vérité sur les raisons du trou d’air qu’est en train de vivre Barack Obama un an après son élection historique à défaut d’être triomphale. Deux événements son emblématiques de ces tracas. La baisse notable de sa popularité sous fond de scepticisme grandissant sur la pertinence de sa politique (et non de sa capacité à gouverner). Surtout, la défaite étonnante de la candidate démocrate au siège de sénateur du Massachusetts – un des Etats les plus à gauche, si ce n’est le plus à gauche des Etats-Unis - détenu pendant quarante-six ans par Ted Kennedy avant sa mort en août 2009. D’autant que Scott Brown, le républicain populiste qui a raflé le siège de Ted Kennedy a utilisé les mêmes arguments électoraliste que ceux de la campagne présidentielle d’Obama: le changement et l’opposition à Washington et à ses coutumes honnies de l’Américain moyen (mais dans une vision souvent proche de l’extrême-droite faut-il préciser).

    Devant cette profusion de raisons déversées avec délectation par des médias toujours prompts à retrouver une virginité en brûlant avec autant d’empressement qu’ils ont mis à aduler, essayons d’en tirer les principales sachant que ce n’est qu’avec le temps que l’on saura si elles l’étaient vraiment!

    La première pourrait être que les Etats-Unis de 2010 ne sont pas ce que nous croyons, ni, plus grave, ce que croyait Obama, une nation prête aux réformes et située au centre-gauche. Selon les sondages, les Américains seraient plutôt au centre-droit, voire à droite et surtout conservateurs. Ainsi, 40% d’entre eux se déclarent conservateurs, 40% se déclarent indépendants et seuls 20% se déclarent libéraux. Dès lors, les 53% de voix obtenues par Barack Obama n’étaient pas celles d’un peuple attendant des bouleversements mais plutôt d’électeurs mécontents de George W Bush et de sa gestion catastrophique du pays qui voulaient, majoritairement, que l’on continue sur la même voie avec une nouvelle équipe plus jeune et plus capable, en réformant certes ce qui ne marchait pas mais avec mesure.

    Pour autant, une première objection peut-être faite à cette analyse. Comment prétendre que les Américains voulaient que rien ne bouge alors que le pays était en train d’entrer lors de la campagne de 2008 dans la plus grande crise économique et financière de son histoire après celle de 1929? Devant l’imminence d’une catastrophe, le public semblait bien vouloir que l’on agisse vigoureusement et non que l’on ne change strictement rien ou presque. A cette objection forte et réelle, on peut répondre que le pays souhaitait que l’on agisse mais pas dans les domaines où Obama a agi ou, en tout cas, pas dans tous. Par exemple, les électeurs savaient qu’il était nécessaire de mettre en place un plan de relance (encore que beaucoup d’entre eux estiment qu’il était trop favorables aux banques responsables de la situation et aux entreprises incapables de s’en sortir seuls du fait de leurs erreurs et non à la population victime du chômage) mais peut-être pas un plan d’assurance santé. D’autant que celui-ci va coûter fort cher selon la vision qu’en ont les électeurs (dont une des préoccupations actuelles est l’ampleur des dépenses publiques).

    Néanmoins, ce plan d’assurance santé est justement conçu pour faire des économies! Dès lors, une deuxième raison est avancée. Le président a été incapable de communiquer correctement sur ses objectifs qui n’ont pas été compris par la population. Accusation étonnante pour ceux qui ont baptisé Obama de grand communicateur au vu de sa formidable campagne électorale. En revanche, pour ceux qui connaissent bien l’homme, cela ne semble pas aussi extravagant. Car Barack Obama est un intellectuel solitaire qui réfléchit plutôt qu’un bretteur d’estrade. Il fait appel à la raison plutôt qu’aux émotions dans sa vision du monde et dans sa façon de gouverner alors qu’il a soulevé une extraordinaire vague d’émotion en étant le messager du changement, de celui dont chacun de ses électeurs avaient une vision personnelle ne correspondant pas à celui de chacun des autres.

    Nous sommes là dans la troisième raison de ses difficultés. Le changement, Barack Obama l’a laissé à l’appréciation de chacun et, comme il le dit, il est un écran sur lequel chacun imprime ce qu’il souhaite voir de lui et de ce qu’il propose. Dès lors, chacun a bâti sa propre idée du changement et n’a pu qu’être déçu par le fait que celle d’Obama ne correspondait pas à la sienne. Ceci est une réalité que l’on retrouve dans les sondages et les déclarations où l’on remarque souvent cette déception chez les gens de gauche qu’Obama n’est pas assez à gauche, ce que pensent également les électeurs de droite (qu’il n’est pas assez à droite) et les électeurs du centre (qu’il n’est pas assez au centre)…

    Cette majorité hétéroclite qui a permis au nouveau président d’être élu est une autre explication. Quoiqu’il fasse, une partie de son électorat se retourne contre lui. Le plan sur l’assurance santé le caractérise particulièrement bien. La gauche a reproché la timidité du plan, la droite son extrémisme et le centre son inutilité.

    Mais dans ces explications, il ne faudrait pas sous-estimer les difficultés rencontrées par Obama notamment la suffisance des élus démocrates qui ont cru être au pouvoir pour les trente prochaines années, l’irresponsabilité des élus républicains qui ont fait de l’obstruction systématique, décidés à bloquer le système le plus possible pour tenter de retrouver une unité en refusant tous les appels du président aux mesures bipartisanes. Sans oublier, les difficultés venues des acteurs économiques ou de la situation économique elle-même qui ne lui a pas permis d’avoir les succès escomptés dans un temps politique qui devient de plus en plus court, les électeurs, gavés d’information quotidiennement, exigeant des résultats concrets immédiats.

    Une question essentielle se pose alors. Est-ce le centrisme d’Obama qui est la cause de ce malentendu? C’est une question récurrente en ce moment aux Etats-Unis. Elle ne s’exprime pas de cette manière mais plutôt dans le fait que le candidat Obama aurait promis beaucoup de choses que le président Obama n’aurait pas transcrites en actes et en réalités. Bien entendu, cette critique s’applique à tous les candidats devenus présidents et le problème des promesses politiques non-tenues est une rengaine chantée partout dans le monde et qui est souvent exacte.

    Néanmoins, dans le cas présent, les analystes de gauche mettent l’accent sur le changement qui ne serait pas au rendez-vous alors que les analystes de droite pointent du doigt la soi-disant absence du consensus politique et d’une politique «bipartisane» réunissant démocrates et républicains (c’est-à-dire, pour eux, de n’avoir pas gouverné comme un républicain …). Une campagne électorale, c’est entendu, grossit toujours les traits du programme que l’on présente et il est assez facile de trouver des promesses non-tenues au jour d’aujourd’hui ou qui ne seront sans doute jamais tenues. Mais, en l’occurrence, ce qu’on attaque chez Barack Obama c’est de n’avoir pas adopté une ligne politique dure qu’elle soit de droite ou de gauche. On attaque sa volonté de faire une politique centriste et de s’y être tenu en grande partie d’où ses déboires actuels où tout le monde à l’impression d’être grugé. Pourtant, si l’on reprend les dires et les promesses de Barack Obama, ce procès ne peut lui être tenu.

    Cependant, si la réponse à la question posée ci-dessus est non, il faut immédiatement affirmer que le Centrisme nécessite, sans doute, plus que les idéologies clivantes de droite et de gauche, des explications pour que les citoyens ne soient pas désorientés et que, ici, Barack Obama n’a pas assez joué le rôle de pédagogue (même s’il l’a fait) et que les déluges d’insultes et de mensonges qui se sont déversées sur sa personne et son action, indigne d’un vrai débat politique, n’ont pas arrangé les choses, bien au contraire. De même, une certaine suffisance de son Administration et, parfois, du président lui-même les ont, parfois, coupé des citoyens.

    Pourquoi le Centrisme en tant que pensée et pratique n’est pas non plus responsable? Tout simplement parce que l’action de Barack Obama a réellement tenté de réconcilier un pays divisé en faisant une politique équilibrée et en recherchant le consensus par le pragmatisme et sans nier les réalités. Si l’on analyse sa politique et ses prises de position, notamment celles qui, sans relâche, ont demandé une large discussion et un large consensus pour bâtir les réformes, on ne peut pas rendre responsable la politique ni la pratique politique de Barack Obama de ces malentendus.

    De tout cela, il ressort que la tâche qui s’annonce pour Barack Obama risque d’être titanesque. Elle démontre, d’abord, qu’une politique centriste est attaquée par tous les extrêmes ce qui rend sa mise en œuvre extrêmement difficile. Ensuite, que cette politique nécessite une pédagogie forte et continue. Enfin, que celui qui l’incarne doit s’attendre à des attaques aussi virulentes venues de droite et de gauche et doit absolument se préparer à les affronter et à y répondre en n’abandonnant pas le terrain à ses adversaires qui sont d’autant plus nombreux qu’il viennent des deux côtés à la fois. Car, il faut répondre à tout et à son contraire avant que tout et n’importe quoi brouille le message et qu’il soit impossible de remonter le courant. Prenons l’exemple de cette réforme de l’assurance santé. Pour simplifier, on peut dire qu’aujourd’hui elle est vue par le peuple américain comme une réforme de demi-mesures mais néanmoins extrémiste, largement insuffisante pour couvrir les plus pauvres mais néanmoins d’inspiration socialiste, faisant la part belle aux assurances santé mais mettant ces dernières dans des difficultés économiques forte, laissant aux gens le droit de choisir leur assurance mais étant liberticide! Et l’on pourrait faire la même analyse sur la réforme du secteur financier (même si Barack Obama vient de durcir ses propositions devant l’indécence des banques américaines) ou son plan pour créer l’industrie verte du XXI° siècle.

    L’année qui vient sera donc d’une extrême importance pour Barack Obama mais aussi pour cette expérience centriste. Quoiqu’il en soit, celle qui vient de se dérouler est riche en enseignements pour tout homme politique centriste, tout parti politique centriste, qui feraient bien de les prendre en compte pour le futur.

    Alexandre Vatimbella

  • Pour le Centrisme, il faut changer la société sans changer de société

    Il y a un principe de réalité dans le Centrisme. Il faut s’attaquer à changer le réel de manière pragmatique mais néanmoins volontariste pour le réformer et l’améliorer et non prétendre de manière utopique le changer pour bâtir un soi-disant nouveau monde qui ne pourra que ressembler à l’ancien et parfois en pire. Tâche ardue s’il en est car comme le dit si bien le philosophe Clément Rosset, «il est beaucoup plus difficile – et surtout beaucoup plus courageux – d’améliorer le monde que de le jeter tout entier aux cabinets».

    Le vrai changement, la vraie réforme n’ont donc rien à voir avec un quelconque grand soir. Ils sont durs à mettre en œuvre, ils prennent du temps à produire des effets et ils doivent être équilibrés pour être, comme on le dit maintenant par une formule lapidaire, gagnant-gagnant, pour avoir un sens, c’est-à-dire profiter à tous en donnant à chacun le plus de ce qu’il peut attendre de la société pour bâtir sa vie d’individu libre et responsable dans sa dimension de personne insérée dans une communauté.

    De ce point de vue, il n’est pas inutile de se demander qu’est-ce qui doit demeurer et qu’est-ce qui doit être changé. Et nous devons nous le demander dans une perspective politique c’est-à-dire dans une optique où l’efficacité est le critère premier. Mais, attention, efficacité veut dire que le changement et la pérennité ne peuvent être valides que s’ils profitent à toute la société. Cela ne veut pas dire qu’ils bénéficient directement à tout le monde mais que la structure sociétale qui les incluent, elle, soit la plus efficace possible pour remplir sa mission, rechercher le bien être de toute la population.

    Ainsi, le libéralisme social doit être le cadre des relations entre les personnes. Ce libéralisme social n’est pas le système le plus juste ou le plus moral, il est le système le plus efficace pour assurer le bien être maximum et donc pour mettre en place la meilleure justice possible et être le terreau qui permette aux comportements sociaux moraux de pouvoir s’épanouir.

    Plus prosaïquement, on n’a pas trouvé – et il sera dur de le faire – de cadre qui permette le plus de liberté et le plus de social possible tout en demeurant dans la réalité de l’existence que le libéralisme social. Sans liberté, l’individu demeure un sujet et est incapable de devenir un moteur du progrès notamment en libérant les énergies qui créent des richesses et qui s’appelle la liberté d’entreprendre que ce soit dans le domaine économique, social ou sociétal. Personne n’a inventé jusqu’à maintenant un moteur aussi fort que celui-ci. Bien sûr, la liberté a un prix qui est même très élevé. Elle crée de l’inégalité sociale à parti des différences ontologiques de chaque personne. C’est à ce niveau, et à ce niveau seulement, que la communauté intervient, notamment par son outil, l’Etat, pour introduire de la justice sociale et empêcher les dérives individualistes ou délictueuses. Cette justice sociale, au demeurant, n’est pas morale dans notre vision d’efficacité. Elle est là parce que la mission de la société est d’assurer le meilleur bien être possible de la population tout en garantissant la meilleure sécurité possible de tout un chacun. La redistribution d’une partie des richesses acquises grâce à la liberté procède de cette mission.

    Evidemment, la Droite et la Gauche affirment qu’elles assurent la liberté et qu’elles font de la redistribution sociale. Mais il leur manque l’élément principal et primordial du Centrisme pour rechercher l’équité, le juste équilibre. C’est ici que le Centre fait jouer sa différence et, même, son rôle de point de fixation de toute la vie politique. Et la Droite et la Gauche sont obligées, à leurs corps défendant, de ce rapprocher toujours de ce point sans pour autant s’y rallier vraiment ce qui a pour conséquence des politiques bancales et peu efficaces.

    Dès lors, ce qu’il faut changer, ce n’est pas le jeu lui-même, ce libéralisme social qui sert de référence à notre société aujourd’hui, mais les règles du jeu. Ce sont, par exemple, toutes les entraves à sa réelle existence que ce soit les prébendes données aux puissants que les entraves à l’action et la créativité individuelle. Ce sont tous ces règlements qui ne servent qu’à brider les capacités individuelles ou à empêcher les initiatives collectives qui, in fine, profitent à tous. Ce sont tous ces prélèvements qui nourrissent une hypertrophie de l’Etat et tous ces trous dans les caisses de ce même Etat creusés par les nombreux cadeaux donnés sans aucun fondement à certains groupes de pression. Ce sont tous ces freins à l’égalité des chances mais aussi tous ceux à l’expression des différences. Ce sont toutes ces scléroses de la société mais aussi toute cette fausse «modernité» qui fait oublier les vraies valeurs. C’est cet individualisme égoïste et cette volonté de protection à tous prix égocentrique. C’est l’uniformité réductrice mais aussi le communautarisme régressif. Et l’on pourrait continuer.

    Le but du changement centriste est de bâtir au jour le jour grâce à ses valeurs (liberté, respect, solidarité, tolérance) et à son principe d’action (le juste équilibre) une société meilleure qui profite à tous ses membres. Celle-ci ne sera jamais le paradis sur terre. Car il n’existe pas. Et tous ceux qui ont cru pouvoir le bâtir ne sont parvenus qu’à faire vivre l’enfer à leurs populations…

    Alexandre Vatimbella