Baisse de popularité, médias sceptiques, opposition plus agressive, projets critiqués, Barack Obama est dans une mauvaise passe même s’il faut immédiatement ajouter qu’il garde une côté de confiance positive avec plus de 50% d’Américains qui ont de lui une image positive. Mais le Président américain doit faire face à un certain nombre d’écueils politiques. On peut d’ailleurs les classer en trois catégories, ceux provenant de la situation politique, économique et sociale, ceux provenant du contenu de ses réformes et puis ceux qui proviennent de sa manière de gouverner.
Parlons brièvement des deux premières catégories avant de nous focaliser sur la troisième qui nous intéresse plus ici. Barack Obama, dès son élection, a hérité d’une situation intérieure et extérieure catastrophique. Une crise économique et financière mondiale qui a démarré aux Etats-Unis, deux guerres (Irak et Afghanistan) qui semblent impossibles à gagner, voire même à terminer, une nation divisée et doutant d’elle-même qui a tendance à se recroquevillée sur elle-même, en témoigne les débats sur l’immigration, par exemple.
Ses réponses à ces défis immenses ont été de proposer une politique volontariste avec de nombreuses réformes. Il y a d’abord eu le plan de relance de l’économie d’un montant sans précédent de 787 milliards de dollars. Il y a eu ensuite les sauvetages de banques et d’industries comme celle de l’automobile avec des nationalisations de fait. Il y a eu encore la révision de la stratégie en Irak et en Afghanistan. Puis est venu le temps des deux réformes principales de la présidence Obama, celle du système de santé afin de garantir une assurance santé à tous les Américains, celle du système financier afin d’éviter les abus qui ont conduit à la crise actuelle.
Voilà de quoi déstabiliser la première puissance du monde qui, tout d’un coup, voit un cataclysme économique fondre sur elle puis un remède de cheval lui être proposé. D’autant que si la situation économique s’est améliorée, le chômage demeure pour l’instant à un niveau très élevé. Mais Barack Obama semble aussi avoir été déstabilisé par sa propre politique centriste.
Pendant la campagne électorale de 2008, Barack Obama avait affirmé à de multiples reprises qu’il gouvernerait avec tous les Américains et qu’il serait un président «pospartisan» c’est-à-dire, non seulement capable de faire travailler ensemble les Démocrates et les Républicains mais aussi de dépasser ces clivages pour former une nouvelle donne dans la politique américaine où les majorités peuvent se faire sur des projets et non sur des oppositions de partis.
Bien sûr, cette affirmation avait rendu sceptiques de nombreux chercheurs en sciences politiques qui estiment que la volonté d’un consensus aussi large est carrément impossible dans une démocratie. D’autant, ajoutaient-ils, que les clivages idéologiques dans la politique américaine n’ont jamais été aussi forts grâce à l’action conjuguées des néoconservateurs et de la droite chrétienne qui ont formé une alliance de circonstance afin de bâtir une majorité conservatrice. Ainsi, on estime que les parlementaires américains votent désormais à 95% comme leur camp à la fois au Sénat et à la Chambre des représentants.
Cependant, autant par conviction que par nécessité, Barack Obama a mis en œuvre cette politique de rapprochement qui a déçu très vite la frange la plus à gauche de ses supporters comme on pouvait s’y attendre. Ainsi, dans son gouvernement mais aussi dans des nominations dans son administration au sens large, Barack Obama a nommé de nombreux centristes qu’ils viennent du Parti démocrate comme du Parti républicain ou de la société civile. Néanmoins, cette première phase a été relativement bien accueillie par la population et le monde politique d’autant que le nouveau président bénéficiait alors d’une cote de popularité exceptionnelle.
Mais les choses se sont corsées rapidement sous l’effet de trois facteurs. Le premier est la guérilla qu’ont menée les franges extrémistes du Parti républicain, proches de l’extrême-droite et comptant parmi elles de très nombreux racistes n’acceptant pas qu’un noir puisse diriger le pays. Cette guérilla, dont les chantres sont Rush Limbaugh et Glenn Beck, deux animateurs à la radio et à la télévision, a obligé un certains nombres de Républicains modérés soit à se faire discrets, soit à rejoindre une opposition dure de peur de perdre leur électorat le plus à droite et qui leur a permis de se faire élire.
Le deuxième facteur vient de ce que Barack Obama n’a pas été aussi bien élu qu’on pourrait le penser. Cette affirmation pourrait surprendre puisqu’il a obtenu 53% des suffrages. Mais il ne faut pas oublier les circonstances extrêmement favorables de l’élection pour un candidat démocrate. Les analystes estimaient que si le Parti démocrate ne remportait pas cette élection c’est qu’il ne pourrait plus jamais en remporter. Toutes les circonstances jouaient en sa faveur: un président (George W Bush) complètement discrédité avec une popularité à 27%; une situation économique et financière très grave; une guerre en Irak s’enlisant; des scandales à répétition sur les écoutes téléphoniques ou les tortures sur les présumés terroristes prisonniers; un candidat républicain, John McCain, totalement sans charisme et relief dont beaucoup d’ennemis venaient de son propre camp. Du coup, en référence aux résultats électoraux du passé, les experts estimaient que même un âne (emblème du Parti démocrate) devait l’emporter… En tout cas, selon eux, un raz-de-marée d’au moins 55% à 60% des voix étaient prévisibles. Barack Obama n’est parvenu qu’à 53% et a été même, pendant un cours laps de temps, en retard dans les sondages derrière John McCain. Bien sûr, la couleur de sa peau a joué dans cette déperdition de voix mais il semble bien aussi que sa difficulté à mobiliser sur une vision consensuelle dans un environnement clivé ait été également un facteur d’un résultat moins large que prévu.
Quant au troisième facteur, il semble qu’un excès de confiance de Barack Obama dans son charisme et ses capacités de rassemblement, bien connus de ceux qui le suivent depuis ses débuts en politique, ne lui aient pas permis de se mobiliser suffisamment sur les grands défis de sa présidence.
Le débat sur la réforme du système de santé est à cet égard exemplaire. Barack Obama souhaitait un large consensus sur son plan pour deux raisons. Il voulait démontrer que sur une question aussi importante les Américains pouvaient se réunir. Mais il voulait aussi éviter les déboires que le plan de Bill Clinton a connu suite au refus de celui-ci d’accepter de l’amender pour qu’il soit adopté à la fois par les Démocrates et les Républicains. Du coup, Barack Obama fixa les grandes lignes et laissa au Congrès de structurer la réforme. Las, les Républicains en profitèrent pour faire de cette réforme un test sur la popularité du Président, certains d’entre eux prédisant avec joie qu’elle serait son Waterloo… On connaît la suite avec les attaques outrancière dont il a été victime puisqu’il a été traité d’Hitler et de Staline (!) sans oublier tous les mensonges sur son contenu sans pour autant susciter une réaction forte de la présidence ?
Dès lors on peut se poser la question de savoir si la politique centriste de Barack Obama, tant dans le fond que sur la forme, tant dans le contenu que dans la pratique du pouvoir, n’est pas remise en cause et que les difficultés qu’il rencontre ne démontrent pas l’impossibilité d’un gouvernement aux pratiques réellement centristes.
Il est certain qu’un gouvernement centriste a deux fois plus d’ennemis qu’un gouvernement de gauche ou de droite puisque la Droite et la Gauche le critiquent en même temps, chacun des deux bords trouvant qu’il penche de l’autre côté. C’est pourquoi, malgré ce que croient certains, le Centrisme est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre et qu’il faut une volonté de tous les instants pour rassembler et trouver des consensus. L’erreur de Barack Obama a sans doute été de croire que sa victoire était une acceptation de cette politique centriste alors qu’elle était plutôt une autorisation de la mettre en œuvre sous l’œil vigilant du peuple. Si Barack Obama avait compris son élection de cette manière, il aurait continué inlassablement à travailler au rassemblement et aurait allumé des contrefeux aux déclarations et aux agissements extrémistes qui se sont fait jour depuis six mois avant que ceux-ci, de manière virale bien connue maintenant, n’atteignent internet puis les médias traditionnels.
Car avoir des ennemis et des sceptiques à droite et à gauche permet à ceux-ci de déstabiliser d’autant plus un pouvoir que celui-ci ne peut s’appuyer sur un camp contre un autre puisqu’il désire rassembler les bonnes volontés d’où qu’elles viennent pour bâtir une politique au-delà des clientélismes qui sont les bases même des politiques clivantes de droite et de gauche.
Bien entendu, on ne peut pas conclure que Barack Obama a échoué alors qu’il n’est même pas au pouvoir depuis un an, ni même qu’il ne va pas reprendre la main rapidement. Certains observateurs estiment qu’il pourra en être le cas s’il parvient à faire passer une réforme de la santé même si celle-ci ne correspond pas exactement à celle qu’il souhaitait voir mettre en œuvre. Mais il ne réussira à mettre en place une politique et un pratique centristes que s’il comprend que le consensus et le juste équilibre à la base de celles-ci est un combat de tous les instants, une lutte contre tous les intérêts particuliers et les clientélismes qui viennent de tous les bords.
Le Centrisme ce n’est pas et ce ne sera jamais une politique molle. Une politique molle est une politique au centre que font la Droite et la Gauche quand elles sont au pouvoir en essayant de ne pas décevoir la frange extrémiste de leur électorat. Ce n’est pas une politique du Centre, bien plus exigeante et bien plus éprouvante pour ceux qui s’en réclament. Mais c’est sans doute la seule qui nous permettra de construire un présent et un avenir où chacun a sa place et ou tout le monde se sent concerné et impliqué. Et ça vaut bien toutes les dépenses d’énergie. A Barack Obama de nous prouver qu’il n’est pas seulement un phénomène médiatique mais un farouche combattant de ses idéaux politiques.
Alexandre Vatimbella