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Présidentielle USA 2016. Les «independents» ne font pas un candidat mais font l’élection

Il y a un mythe tenace chez certains analystes et «pundits» (intellectuels faiseurs d’opinion) américains selon lequel un candidat en-dehors des partis, situé au centre de l’échiquier politique ou, en tout cas, «bipartisan», serait capable de rassembler en sa faveur la plupart des électeurs «independents» (ceux qui se définissent comme sans affiliation politique précise) ainsi que les démocrates et les républicains modérés, ce qui lui permettrait de gagner l’élection présidentielle pour le bien d’un pays dont la politique est de plus en plus polarisée.

Ce mythe prend sa source dans deux idées reçues.

 

La première serait que la grande majorité des «independents» sont des centristes.

Or il n’en est rien.

Si, sans doute, les centristes sont les plus nombreux dans cette catégorie fourre-tout, on trouve aussi des républicains proches de l’extrême-droite, des démocrates très socialistes ainsi que des personnes se définissant à partir de toutes les appellations politiques possibles et imaginables.

Dès lors, une candidature «independent» (sans affiliation aux deux grands partis) a du sens et a déjà eu lieu (celles de George Wallace ou de Ross Perot) mais, jusqu’à présent avec un positionnement politique très clivé.

Ainsi, le principal candidat «independent» pour 2016 n’est autre que le populiste démagogue de droite Donald Trump, actuellement en tête de la course républicaine, (même s’il fut, un temps, enregistré comme démocrate, à New York, la ville où il est né et où il habite).

En revanche, une candidature qui rassemblerait tous les électeurs «independents» est bien une vue de l’esprit.

La deuxième idée reçue voudrait que les deux grands partis soient trop marqués, le Parti républicain à droite et le Parti démocrate à gauche, pour initier une véritable candidature centriste.

Ce qui est totalement faux, non seulement, historiquement mais de nos jours.

Historiquement, il y a toujours eu des ailes centristes aux deux grands partis dominant la politique américaine.

On peut dire, par exemple, qu’Abraham Lincoln ou Theodore Roosevelt étaient des centristes républicains.

Et ces vingt-cinq dernières années, deux démocrates centristes ont été élus à la Maison blanche, Bill Clinton en 1992 et Barack Obama en 2008, tout deux réélus pour un second mandat.

Ce qui est vrai, en revanche, c’est que le Parti républicain a entamé un virage à droite dans les années 1990 (qui avait d’ailleurs commencé réellement dans les années 1970) et que, petit à petit, la plupart de ses centristes se sont trouvé marginalisés et ont pratiquement disparu.

Pour la primaire de 2016, seul John Kasich, le gouverneur de l’Ohio, peut être considéré comme un candidat républicain centriste.

Et encore, il ne l’aurait pas été il y a dix ans, considéré alors comme trop conservateur (il fut un des principaux soutiens de Ronald Reagan).

Le Parti démocrate, lui, est sorti de son virage à gauche des années 1970 dans les années 1990.

Et même si un candidat socialiste à la primaire est présent cette année, Bernie Sanders, la grande favorite demeure Hillary Clinton, une véritable centriste.

N’en déplaise à certains commentateurs qui présentent Clinton comme étant devenue de gauche (ils disent la même chose d’Obama), ils tombent dans le piège tendu par la droite du parti républicain et dénoncé par les deux politologues, l’un républicain, l’autre démocrate, Norman Ornstein et Thomas Mann.

Auteurs d’un livre référence en la matière, «It’s even worse than it looks» (C’est encore pire que cela n’y paraît) publié en 2012, ils ont montré de manière irréfutable que cette droite, tout en se radicalisant de plus en plus, a tenté de faire bouger le Centre vers la droite pour ensuite accuser les centristes républicains et démocrates, d’être des femmes et des hommes de gauche…

Une manœuvre qui a fait long feu mais qui produit encore des malheureux effets dans quelques médias.

Reste que si, donc, une candidature «independent» ne serait pas forcément centriste – mais que même si elle l’était, qu’elle n’attirerait pas l’électorat centriste et modéré qui peut se tourner vers des candidats républicains et, surtout, démocrates qui sont centristes –, les «independents» centristes font très souvent le président des Etats-Unis.

En effet, ce sont eux qui font pencher la balance d’un côté ou de l’autre, notamment dans les fameux «swing states», ces Etats qui ne votent pas toujours démocrate pour certains ou républicain pour d’autres mais qui se tournent tantôt vers le candidat républicain, tantôt vers celui démocrate.

C’est pourquoi le vote centriste est très recherché par les candidats des deux grands partis.

D’où un recentrage systématique de leurs discours une fois qu’ils ont obtenu l’investiture de leurs formations respectives.

D’où, également, souvent, la présence deux candidats plus ou moins «modérés» lors de la présidentielle.

Ce fut le cas en 2008 et 2012 où, face au centriste Barack Obama, les deux républicains vainqueurs des primaires et qui se présentèrent contre lui, John Mc Cain et Mitt Romney, étaient considérés comme des conservateurs modérés.

Pour autant, ce sont également les «independents» démocrates et républicains qui font l’élection en se déplaçant ou non le jour du scrutin.

Plus abstentionnistes que les électeurs enregistrés démocrates et républicains, ils peuvent faire la différence en se rendant massivement aux urnes (comme ce fut le cas des Latinos «independents» en faveur d’Obama en 2008 et en 2012).

Pour 2016, le vote de ces mêmes Latinos sera sans doute déterminant mais tout comme celui des centristes «independents».

Voilà pourquoi, actuellement, les responsables du Parti républicain voient avec effroi la course en tête de leur primaire de Donald Trump, populiste de droite, et de Ben Carson, extrémiste évangéliste de droite, et que ceux du Parti démocrate poussent un ouf de soulagement en voyant Hillary Clinton retrouver une dynamique tout en distançant très nettement Bernie Sanders.

Alexandre Vatimbella

 

Voir le site Le Centrisme

 

 

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